LE PÈLERIN
CHAPITRE 10
SEMAINE 3 - MERCREDI
Chrétien dans la Vallée de l’Ombre de la Mort
Chrétien subit beaucoup d’afflictions dans la Vallée de l’Ombre de la Mort ; mais, ayant appris par l’expérience combien il est nécessaire de marcher avec vigilance, il recourt à l’épée et à la prière, traversant ainsi cette vallée en toute sécurité et sans le moindre dommage.
À peine avait-il franchi la limite qui sépare la Vallée de l’Humiliation de celle de l’Ombre de la Mort, qu’il rencontra deux hommes qui revenaient à toute vitesse : c’étaient des fils de ceux qui avaient enflammé le pays qu’il avait vu (Nombres 13:33). Chrétien leur demanda où ils allaient.
Hommes – Retourne, retourne : si tu tiens à ta vie et à ta tranquillité, nous te conseillons de faire demi-tour immédiatement !
Chrétien – Pourquoi donc ?
Hommes – Nous marchions dans la direction que tu prends, et nous avons avancé aussi loin que notre audace nous le permettait, mais nous ne savons même pas comment nous avons pu revenir, car si nous avions fait quelques pas de plus, nous ne serions sûrement pas ici pour t’en avertir.
Chrétien – Mais qu’avez-vous rencontré ?
Hommes – Que nous avons rencontré ? Nous étions presque au milieu de la Vallée de l’Ombre de la Mort ; mais, par bonheur, nous avons regardé devant nous et aperçu le danger avant de nous en approcher (Psaume 44:19).
Chrétien – Quel danger ?
Hommes – Quel danger ? Cette vallée elle-même, noire comme du poix. Nous y avons vu des fantômes, des loups-garous et des dragons de l’abîme. Ensuite, des gémissements et des cris continuels, comme de personnes dans une situation affreuse, endurant les plus grandes afflictions et tortures. Au-dessus de la vallée planent d’horribles nuages de confusion, et la mort étend constamment sur elle ses ailes noires. En un mot, tout y est horreur, tout y est désordre effrayant (Job 3:5-10,22).
Chrétien – À ce que vous dites, je suis de plus en plus convaincu que c’est ce chemin que je dois suivre pour atteindre le port désiré (Psaume 44:18).
Hommes – Si tu le trouves bon, vas-y ; quant à nous, il ne nous convient pas.
Et ils se séparèrent de Chrétien, qui continua son chemin, gardant son épée dégainée, de peur d’être attaqué.
Et, dans mon songe, j’étendis mon regard sur toute l’étendue de la vallée. Je vis, à droite du chemin, un gouffre très profond où des aveugles ont conduit d’autres aveugles au fil du temps, tous ayant péri misérablement. À gauche, je vis un bourbier extrêmement dangereux, où quiconque y tombe, même s’il est le meilleur des hommes, ne peut y trouver appui ; c’est là que le roi David tomba une fois, et il se serait sûrement noyé si Celui qui a le pouvoir de sauver ne l’avait secouru (Psaume 69:14).
Le chemin était si étroit que Chrétien marchait avec grande difficulté, car, comme il faisait sombre, s’il tentait de s’éloigner du gouffre, il risquait de tomber dans le bourbier, et s’il voulait éviter le bourbier, il était sur le point de se précipiter dans le gouffre. Il marcha ainsi en poussant de profonds soupirs, car, en plus des dangers mentionnés, le chemin était si obscur que, lorsqu’il levait un pied pour faire un pas, il ne savait pas où il allait le poser.
À peu près au milieu de cette vallée, s’ouvrait la gueule de l’enfer, juste à côté du chemin.
En arrivant là, la situation de Chrétien fut horrible ; il ne savait que faire ; il voyait sortir des flammes et de la fumée en grande quantité, enveloppées d’étincelles et de rugissements infernaux, si bien qu’en reconnaissant que l’épée avec laquelle il avait vaincu Apollyon ne lui serait d’aucune utilité, il décida de la rengainer et de prendre une autre arme, c’est-à-dire l’arme de la prière (Éphésiens 6:18), et il s’écria : « Seigneur, délivre mon âme » (Psaume 116:4).
Et il continua sa marche, enveloppé de temps en temps par d’horribles flammes. Parfois, il entendait de tristes gémissements, courant d’un côté à l’autre, au point qu’il croyait être réduit en miettes ou piétiné comme la boue des rues. Ce spectacle horrible et ces bruits terrifiants l’accompagnèrent sur plusieurs lieues du chemin.
Il arriva finalement à un endroit où il crut entendre une légion d’ennemis s’approcher. Il s’arrêta donc et se mit à réfléchir sérieusement à ce qu’il convenait de faire. D’un côté, il lui semblait préférable de revenir en arrière, mais de l’autre, il se rappela qu’il avait peut-être déjà dépassé la moitié de la vallée. Il se souvint aussi qu’il avait déjà surmonté de nombreux dangers, et que le risque de reculer pouvait être plus grand que celui d’avancer ; il décida donc de continuer. Mais comme les ennemis semblaient se rapprocher toujours plus, presque à le toucher, il s’écria de toutes ses forces : Je marcherai dans la force du Seigneur. À ces paroles, les ennemis s’enfuirent et ne le poursuivirent plus.
Profitez davantage :